samedi 9 août 2008, par J.-C. Raymond
Les cahiers que nous avons eu le loisir de présenter dans ce site ont été écrits avant la guerre de 1914-1918. Probablement, bien avant cette époque et assurément pour encore de nombreuses années, l’amour, la quête du bonheur, l’envie de divertir inspirent les paroliers. Mais, il y a un autre volet de la chanson, celui du malheur, de la guerre. Au-delà, de ces deux pôles, il possible de déceler toute une gamme d’indices révélateurs de l’époque
Atravers les chansons, nous vous invitons à une promenade, sans prétention puisque nous ne sommes ni spécialistes du domaine, ni historiens. Comme on peut guider le regard vers des fleurs cachées dans une forêt, nôtre but et d’attirer votre attention sur les aspects d’une époque.
A la veille de la Grande-Guerre, la France est amputée d’une partie de son territoire comme suite à la défaite de 1870. Beaucoup la vive comme un traumatisme, une humiliation. Malgré la charge héroïque et inutile des cuirassiers à Reichshoffen [1], l’honneur de la France est atteint. Le retour de l’Alsace et la Lorraine à la Mère Patrie paraît, à la plupart, la condition nécessaire pour que la France et les Français retrouvent leur honneur. La coloration revancharde de certaines chansons est évident et peuvent faire partie d’une certaine propagande.
Suivant les chansons, le désespoir alimente l’esprit de revanche. La chanson Dors mon chéri semble avoir eu un fort impact comme le prouve le témoignage rapporté dans l’article sur cette chanson.
Lui [Gambetta] seul ressuscitant l’âme de la patrie
Pour le sol mutilé demandait des vengeurs.
Il ne faut toutefois pas croire que toute la France était militariste. Pauvre Mère Alsacienne aborde bien sûr la question de l’Alsace mais sous un angle plus humain. Ces chansons ne sont pas les seules de l’époque sur ce thème.
[A rédiger ce qui concerne la chanson Dors, Mon Chéri.]
Une grande partie de l’épopée coloniale française s’est déroulée entre la guerre de 1870 et celle de 1914-1918. Était-ce un moyen de gommer la défaite de 1870 ? Les chansons se veulent amusantes mais sous leur aspect comique se cachent le plus souvent des relents racistes de pair avec le mauvais goût.
Dans Dans l’métro, le côté conquérant du colonialisme considère les peuples conquis comme inférieurs. Cette chanson reste pourtant dans le registre badin et tourne à son avantage ; le petit noir fait fuir l’amant jaloux et méchant comme un vieux hibou. Il n’empêche que l’expression petit noir, l’énumération des cadeaux : mes chameaux, mon gourbi, ma descente de lit en poils de méhari, tout le fourbi ont un caractère condescendant. L’aspect comique n’a-t-il pas pour effet de ridiculiser le noir ?
Heureusement, des paroliers abordent cette question avec plus recul comme dans L’Africaine. Cette dernière ne succombe pas aux avances et souhaite rester dans son fusil et demande aux envahisseurs de partir. La voix de l’Africaine est celle de la sagesse.
L’amour n’y rime pas forcément avec bonheur. La chanson devient mélodramatique.
Il n’y a pas de milieu entre la fée ou déesse et la putain. Le mâle peut tout se permettre sans le moindre remord. La femme est avant une mère ou future mère. On remarque au passage qu’en ce qui concerne la morale le libertinage de l’homme semble non répréhensible. Il faudra attendre 1975 pour qu’une loi considère de manière égale l’homme et la femme face à l’adultère. Seule la femme délaissée portait auparavant le discrédit et l’humiliation.
Avant même la guerre de 1914-1918 qui a vu grand nombre de femmes être obligées de travailler leurs maris étant au front et à cause de la pénurie de main d’œuvre dans les ateliers et usines, des femmes, généralement jeunes avaient déjà trouvé des emplois dans l’artisanat et l’industrie. Le spectacle gai et coloré des sorties d’usine ou des grands magasins semble avoir inspiré des paroliers.
La majorité des chansons décrit une société de contraintes, du devoir, voire du sacrifice :
Cette pesanteur s’exerce à l’intérieur même de la famille. Dans Sur la Falaise, le vers suivant est significatif :
Ils s’aiment mais leurs mères ne veulent pas les unir.
Le jeune couple se suicidera.
Ma Frangine et La Mariolle traitent de la prostitution. Elles se terminent par une réhabilitation de la femme qui soit s’occupe de son enfant, soit travaille honnêtement. Le salut n’est obtenu que par le retour à la morale.
Les paroles sont anciennes et la manière de traiter de ce thème l’est également :
un cocu mène l’autre
. L’exemple que nous avons trouvé dans le cahier d’Auguste Chéret est La Saison des cocus.